Le pays est en passe d’être de nouveau bloqué par une poignée de syndicalistes qui démontrent que Lénine avait raison à propos des minorités actives.  
La réforme, oui !
La chienlit, non !
disait Charles de Gaulle le 19 mai 1968 en réponse aux insurrections étudiantes du Quartier latin.
48 ans plus tard, le pays est en passe d’être de nouveau bloqué par une poignée de syndicalistes qui démontrent que Lénine avait raison à propos des minorités actives.
Car c’est bien une minorité qui agit actuellement et se montre sous son véritable visage : celui d’une faction violente, aux propos que n’auraient pas désavoués les sans-culottes de l’an II, qui met nos villes à feu et à sang et empêche le fonctionnement normal du pays.
 Le tout sous le regard impuissant de forces de l’ordre obéissantes et parfois attaquées avec une violence inouïe.
Dans les centres-villes, le passage des manifestations censées exprimer démocratiquement le rejet de la loi Travail se traduit par de sérieuses dégradations : graffitis en tous genres, slogans haineux, distributeurs de billets arrachés, halls d’immeubles mis à sac, détritus innombrables, voitures brûlées.
C’est là le spectacle habituel des manifestations de gauche, qu’elles soient syndicales ou étudiantes. Faut-il y voir un atavisme révolutionnaire qui, en dépit de l’embourgeoisement des anciennes « classes laborieuses », ressort périodiquement comme une poussée de paludisme ?
 Sans doute.
Bien entendu, l’opposition s’en donne à cœur joie.
 Dénonçant la perte d’autorité du gouvernement et du Président, invoquant les mânes de l’ordre « républicain », prenant des poses de matamores à faire pâlir Valls de jalousie, elle joue un rôle auquel personne ne croit.
Parce qu’elle n’a rien, en réalité, à proposer d’autre.

 Ni sur une loi dont elle sait, comme chacun, qu’elle a tout à voir avec les technocrates bruxellois et rien avec l’insignifiante El Khomri, mais encore parce qu’elle estime que cette loi ne va pas assez loin.
Peu importe, d’ailleurs, le bien-fondé d’un texte que personne ne connaît vraiment.
Elle tente de tirer argument de la faiblesse de l’exécutif.
Elle n’a rien de sérieux à proposer pour mettre fin à cette entrave systématique.
Courageuse, elle proposerait une profonde réforme du financement des syndicats pour asphyxier les centrales abreuvées d’argent public.
Téméraire, elle aurait, dans le passé, résisté à la rue, au besoin au prix de quelques violences policières.
 Droite molle, elle oublie sa propre histoire et la manière dont elle a toujours reculé face à la violence de la rue depuis 1987.
Mais au-delà d’une contestation qui prend prétexte d’une pâle réformette libérale, ce que les manifestants expriment n’est-il pas une profonde angoisse ?
 L’angoisse d’un monde qui change sans qu’ils y puissent rien, l’angoisse d’une marginalisation progressive, l’angoisse de la fin d’une époque ?
 Une expression marquée d’insupportables violences qu’il est nécessaire de réprimer, mais dont le fond devrait interroger tout dirigeant digne de ce nom.

Distinguons, en effet, les dirigeants syndicaux, qui défendent bec et ongles d’exorbitants privilèges, et l’employé qui suit le mouvement parce qu’il a peur.

Et celui-là, il faudra bien plus qu’une légitime répression pour le calmer.
 Autant visser un couvercle sur une Cocotte-Minute.
Il faudra surtout lui redonner la fierté de son travail et la confiance en son pays.
C’est le rôle d’un vrai chef d’État.

Autant dire que la chienlit risque de prospérer…