Les faits - FO magistrats a déposé un recours devant le Conseil d'Etat contre la circulaire Taubira qui, depuis le début de l'année, demande aux greffiers de ne plus refuser systématiquement la nationalité française aux enfants nés de mères porteuses.
La ministre conteste l'intérêt du syndicat à agir.
 
Des magistrats en guerre contre le ministre de la Justice, un greffier en chef qui part à la retraite trois ans plus tôt que prévu, la nationalité d'un enfant né dans le cadre d'une gestation pour autrui (GPA) en Inde, voilà les ingrédients d'une affaire aujourd'hui devant le Conseil d'Etat.
 Elle démarre en janvier 2013, lorsqu'un Français demande un certificat de nationalité pour un bébé de 4 mois, en arguant que la mère, indienne, avait de son côté renoncé à ses droits parentaux.


 Cette demande est parvenue au greffe du tribunal d'instance de Toulouse au moment même où était envoyée la désormais fameuse « circulaire Taubira » qui avait soulevé une vive polémique lors des débats sur le mariage pour tous.
Celle-ci demande aux greffiers de ne plus refuser systématiquement la nationalité française aux enfants nés de mères porteuses.
 La GPA est pourtant interdite en France. Mais des couples stériles ou homosexuels se rendent en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Belgique ou en Inde pour pouvoir en bénéficier.
 Selon la circulaire, un simple « soupçon » de GPA ne peut suffire à opposer un refus de certificat de nationalité, si les actes d'état civil attestant de la filiation sont probants.

Henri Valid, greffier en chef de Toulouse, a tout de même préféré mener une enquête avant d'accorder la nationalité française au bébé né en Inde.
 Le père de l'enfant lui avait indiqué qu'il avait eu recours à une GPA.
 Le greffier a donc écrit au consulat de France à Mumbai (ex-Bombay) pour savoir si tout avait été fait dans les règles.
 On peut comprendre sa méfiance lorsqu'on sait à quel point la procréation assistée est devenue une vraie industrie en Inde, encore très peu réglementée et donnant lieu à de multiples dérives.
 Le requérant ne cessant de harceler son adjointe, Henri Valid lui envoie un courrier dans lequel il lui rappelle plusieurs articles du code civil, les droits de l'enfant, etc...

 Bien mal lui en a pris. Il est convoqué peu après par le président et le procureur du tribunal d'instance de Toulouse.
On lui fait comprendre en termes secs qu'il est sorti de son devoir de réserve et même si les mots ne sont pas prononcés, il sent bien la menace de sanctions disciplinaires.
 Puis, on lui demande de quitter le bureau sans aménité.
 Craignant d'être rétrogradé, ou muté loin de chez lui, Henri Valid, 62 ans, préfère en juin 2013 faire valoir ses droits à la retraite.
 Il avait reçu auparavant l'instruction du bureau de la nationalité au ministère de la Justice, de rédiger un certificat de nationalité... provisoire qui devra être revu à la majorité de l'enfant.

 Preuve sans doute que même au ministère, on commence à mettre des bémols à la circulaire.
Celle-ci fait aussi l'objet d'une attaque par le syndicat syndicat FO magistrats.

 « C'est tout de même étonnant que ce syndicat défende les mêmes arguments que moi pour attaquer la validité de la circulaire, alors que j'ai subi des pressions d'autres magistrats pour l'appliquer », remarque aujourd'hui Henri Valid, amer.
 « La question se pose de la compétence de la Garde des sceaux de revenir par voie de circulaire sur des textes d'origine législative consacrée par une jurisprudence de la Cour de Cassation », peut-on lire dans le mémoire de FO magistrat.
Pour envenimer encore la polémique, la Chancellerie soutient que le syndicat n'a pas intérêt à agir devant le Conseil d'Etat.

 « La circulaire est illégale parce qu'elle demande à des fonctionnaires de justice de taire leurs soupçons et de faire comme si de rien n'était, explique Emmanuel Poinas, secrétaire général du syndicat. En tant que magistrats, nous sommes chargés de mettre en œuvre la circulaire et il n'y a aucun motif de dénier notre capacité à agir. .»

Le torchon brûle entre Christine Taubira et les magistrats.
 Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 septembre 2013 apporte de l'eau au moulin de ces derniers.
Il casse un jugement en appel qui avait confirmé l'attribution de la nationalité française à des jumeaux nés à Mumbai, là aussi par recours à la GPA.
« La France a depuis longtemps dit la primauté du droit sur la vérité biologique, elle a d'ailleurs été condamnée plusieurs fois par la Cour européenne de Justice à cause de cela, explique Nicolas Graftieaux, avocat spécialisé en droit de la famille.

Mais La Cour de cassation est chargée d'appliquer la loi et rien d'autre.

 En cas de GPA, celle-ci ne reconnaît pas la filiation du père et il est de ce fait impossible d'accorder la nationalité française à l'enfant.»

 L'esprit de la circulaire Taubira est de fait contredit.
Son avenir semble compromis.

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